dimanche 6 décembre 2015

Philippe Graton & Benjamin Benéteau : « Avec la "Nouvelle Saison de Michel Vaillant", nous voulions tout changer… sans rien changer ! »

L’un des deux dessinateurs et l’un des deux scénaristes de cette "Nouvelle Saison" de "Michel Vaillant" nous expliquent comment s’articule leur travail à huit mains et leur collaboration avec l’autre moitié de l’équipe dans la réalisation d’un nouveau défi qui a bien d’intention de porter l’écurie Vaillant en pôle-position des ventes en librairie.


Pourquoi avoir initié cette nouvelle saison ? Pour vous affranchir du poids des 70 tomes précédents ?
Philippe Graton & Benjamin Benéteau : « Avec la "Nouvelle Saison de Michel Vaillant", nous voulions tout changer… sans rien changer ! »
Ce tome 4 fait le lien avec "Le Pilote sans Visage", qui vient justement de resortir en tirage limité, grand format et noir et blanc.
Philippe Graton : C’est avant tout un besoin très personnel : je me suis rendu compte au moment d’attaquer le 71e Michel Vaillant que cela me pesait. J’ai arrêté immédiatement, car un scénariste ne peut pas s’ennuyer au moment où il va écrire, le rendu au lecteur ne serait pas à la hauteur ! Je cumule différents types d’activités professionnelles, et cette activité de scénariste me stimulait davantage que les autres. Or Michel Vaillant est une superbe série, et je devrais faire des bonds sur ma chaise en l’écrivant. Je me suis donc remis en question en relisant les derniers tomes, et je me suis rendu compte que je n’avais plus le feu sacré car l’énergie avait également quitté l’aventure.

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Votre écriture se rapproche d’une série télévisée : chaque tome peut se lire séparément car il se focalise sur une donnée particulière. Mais l’ensemble prend toute sa saveur en lisant les épisodes dans l’ordre. Une des thématiques fortes est d’ailleurs le couple indestructible formé par Michel et Françoise, qui semble cependant se fissurer...
Philippe Graton : Et encore, cela reste très éloigné de la vie des pilotes de F1 dans la réalité ! On ne peut imaginer qu’il ne soit pas soumis à la tentation, en dépit de ses qualités intrinsèques...
On retrouve d’ailleurs une ambiance déjà évoquée dans Rallye sur un volcan et l’escapade à la Réunion… Même si le héros revient rapidement dans les rails !
Philippe Graton : Oui, et je me demande même ce qui arrivé à mon père sur l’île pendant son repérage ! (rires) Pour revenir à notre Nouvelle Saison, cette tentatrice n’est pas perverse. Elle tombe réellement amoureuse de Michel. On a donc surtout voulu imaginer avec Denis Lapière la façon dont Michel Vaillant se comporterait dans ces circonstances. Il est soumis à beaucoup de remous : professionnels avec sa licence, sa famille avec son fils, son couple, et les difficultés de la firme Vaillante. Dans Le 13 est au départ, Françoise est un lutin espiègle, elle y apparaît facétieuse, mutine et irrévérencieuse. C’est d’ailleurs tout ce qui a attiré Michel. Mais qu’est-elle devenue ? La plus bourgeoise de tout le clan Vaillant, la plus psychorigide même vis-à-vis de leur fils adolescent qui justement tient d’elle. Vis-à-vis de Michel, c’est certainement un élément pesant parmi d’autres. Et lorsqu’il partage une promiscuité et de la complicité dans l’action avec cette belle journaliste, il arrive ce qui doit arriver...JPEG - 1.2 MoPhilippe Graton : J’avais écrit le squelette, le synopsis des six premiers albums de cette Nouvelle Saison, avec les aspects principaux portés par les personnages. C’est en lisant cela que Denis a accepté de travailler sur le projet, car cela ne l’intéressait de continuer à poursuivre les Michel Vaillant dans sa veine historique. Nous reprenons donc un par un les synopsis que j’avais écrits, et nous les développons en discutant et en nous repoussant dans nos retranchements afin d’en tirer le meilleur de nous-mêmes. Et nous aboutissons à une succession de scènes principales. Enfin, Denis réalise la continuité dialoguée en découpant par case et en écrivant les dialogues, à part certains phylactères-clés que j’avais déjà écrits ou que je vous avions réalisés ensemble. Ensuite, on s’échange des versions et nous continuons à confronter nos points de vue : c’est très enrichissant !
Benjamin, avez-vous également cherché à moderniser le graphisme de la série ?
Benjamin Benéteau : Je n’ai pas cherché à casser le dessin de mythique de Jean Graton, car je trouve qu’il comporte non seulement d’excellents éléments, mais il a en plus créé une réelle grammaire de la vitesse automobile. Il a inventé un style inédit, qui est resté depuis lors, même si beaucoup d’auteurs continuent à explorer le mouvement et la vitesse. Je cherche donc à le reprendre et à le réutiliser à ma manière. En effet, plus ou moins volontairement, il m’arrive de faire évoluer un peu ce style. De plus, Dominique Graton, la directrice artistique, était en attente de nouveautés, et me laissait expérimenter des bruitages et des autres innovations qui peuvent sembler des détails pour les lecteurs. Je désire respecter la tradition, ce qui fait l’essence de Michel Vaillant, tout en apportant quelques éléments complémentaires ou réalistes.
J’imagine que le défi constitue à restituer le mouvement à partir d’une image fixe par définition. Quels sont les éléments sur lesquels vous jouez : les courbes de vitesses, les dépassements, les bruitages ?
Benjamin Benéteau : Le principal paramètre réside dans la prise de vue : où placer la caméra pour dynamiser le mouvement à partir d’une image-plan ? Puis les lignes de vitesse qui guident la compréhension des trajectoires des voitures.JPEG - 105.3 ko
Comment se déroule la collaboration avec Marc Bourgne, qui dessine les personnages de la série ?
Benjamin Benéteau : Marc commence le travail sur les scènes classiques : il réalise le story-board et le dessin des personnages. Il m’envoie les planches qui ne contiennent donc que les personnages, et donc parfois des cases vides lorsqu’il n’y a que des décors, et j’ajoute alors tout le reste, dont les voitures.
En revanche, pour les scènes de course, nous travaillons à l’envers : je réalise le story-board et lui vient rajouter ses personnages dans mes cases, en fonction de la documentation que je vais lui envoyer. Comme il travaille sur papier et moi en numérique, il m’envoie les personnages que je vais alors réintégrer dans les planches.

source:actua bd
Benjamin Beneteau était à Barsac 2012,2014 et 2015.

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